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Photo du rédacteurOmbeline Choupin

Interview de Louis Barruol, vigneron - Château Saint-Cosme

Louis Barruol est l’héritier de la propriété Château Saint-Cosme, situé à Gigondas, dans le département de Vaucluse en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le positionnement unique du château, au croisement entre deux failles géologiques, les « Dentelles de Montmirail », lui apporte un micro-climat froid et tardif. Celui-ci confère équilibre, fraîcheur et finesse à ses vins. Ses 22 hectares de vieilles vignes d’une moyenne d’âge de 60 ans ont un rendement à petite échelle. Ses raisins sont vinifiés dans des cuves de fermentation taillées dans le rocher, au sein d’un authentique site de vinification gallo-romain. Les vins sont ensuite transportés en fûts, dans un objectif de meilleure conservation.


J’ai repris ce domaine après mon père : là a débuté toute mon histoire. Je travaillais avec lui depuis l’âge de 10 ans, puis j’ai longtemps été dans d’autres domaines, notamment en Australie et un court temps aux Etats-Unis.


Cela fait 15 générations que ma famille a repris la propriété, l’ayant acquise en 1490. Depuis 1997, je pratique ce que j’appelle un « Négoce-Vigneron », méthode de travail que j’ai théorisée lors de mes différentes pérégrinations dans le Rhône. J’entends pratiquer mon commerce en adoptant l’attitude d’un vigneron traditionnel qui respecte ses vignes, ses terres et ses vins.


Le domaine comprend 3 terroirs :

· Le Poste est composé de marnes calcaires du Jurassique cachant des fossiles de coquilles marines. Sa grenache et sa clairette donnent le « vin blanc du Poste » au goût séveux et de pierre à fusil.

· Le Claux est une vigne de 1,8 hectares, au sol d’argile et de marnes calcaires aux gravettes acérées en surface. Elle produit un Gigondas fin aux arômes complexes.

· Hominis Fides est constitué de sols sableux calcaires non caillouteux, issus de safre helvétien datant d’environ 14 millions d’années. Son grenache lui offre une grande texture en bouche et un grain de tanins unique.


Notre plus grande particularité, au-delà de notre domaine qui comprend des constructions de toutes les époques depuis les gallo-romains, c’est que nous avons un terroir de roche-mère aux marnes calcaires du Tortonien [l’avant-dernière subdivision de l’époque du Miocène, de -11,3 à -7,246 millions d’années]. On ne trouve ce terroir que chez nous ! Ainsi nos vins n’ont pas le côté chaud et puissant qu’on trouve classiquement dans les vins du Sud. Ils ont beaucoup de fraîcheur, une grande complexité et une salinité particulière.


2018 a été une bonne année mais, si nous avons eu plus de raisins cette année que l’année dernière, c’est principalement parce que l’année dernière a été anormalement faible en production. Nos plus grands millésimes ont été 1998, 2007 et 2010. C’est principalement la météo qui influe notre production car nos méthodes changent peu : nous travaillons de manière très traditionnelle.


Je suis convaincu avec mon père de la pertinence de la viticulture biologique. Je la pratique pour avoir des vins de la meilleure qualité, mais aussi pour protéger l’écosystème du vallon de Saint-Cosme.


Nous n’avons été exposés à la chimie : mon père a toujours travaillé traditionnellement, sans aucun produit chimique. C’est le cas de très peu de vignobles. Nous profitons d’une biodiversité incroyable : notre domaine comprend plus de bois que de terre. Cela change le profil de ce que nous faisons et nous permet de pratiquer une agriculture intéressante, avec des manières de travailler très traditionnelles et très simples. Nos vins ne sont pas filtrés. Si tout cela paraît simple, c’est en réalité très compliqué !


Comme en gastronomie, ce minimalisme à la mode, que tout le monde veut faire, est très difficile à mettre en œuvre.


Je n’utilise aucun désherbant, engrais chimique, pesticide ni produit de synthèse, préservant donc mon écosystème dynamique et la vie de mes sols. Je fais réaliser un maximum de travaux à la main, dans le but que mes vins expriment leur terroir d’origine avec pureté et précision. Mes vins équilibrés et à forte identité sont appelés à vieillir pour révéler leur potentiel gustatif exceptionnel.


Je n’ai rien pour ni contre le concept de vin nature, mais je trouve que beaucoup ne sont pas bons. Il faut savoir que beaucoup de vins nature de sont même pas bio… certains sont très bons, mais d’autres ont des odeurs désagréables. Pour moi, le critère qui prime, c’est que le vin soit bon. Quand les choses deviennent idéologiques, cela ne m’intéresse plus : c’est une mode qui passera et à la fin de laquelle il ne restera que les bons vins.


Nous produisons de petits volumes, ayant fait le choix de la qualité avant tout.


J’aimerais pouvoir produire 10 fois plus de grands vins, mais c’est impossible avec une telle exigence de qualité et la taille réduite de nos vieilles vignes !


J’aimerais que mes vins soient bus par des personnes qui les apprécient vraiment car, parfois, des gens qui ont les moyens de se payer de bonnes bouteilles n’ont pas conscience des traditions qu’il y a derrière un vin. Les Saint Cosme se boivent le mieux après un vieillissement de 10 ans minimum, et à table. Le grand vin rouge de garde est un élément de gastronomie : il va avec un repas ! Les grands grenaches vieux s’accorderont parfaitement avec, de manière non exhaustive, un gigot d’agneau à cuisson lente, des volailles, des champignons, des plats d’hiver ou des truffes.

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